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Rencontre avec Mathieu LAUFFRAY et Xavier DORISON : Long John Silver Tome 4

À l’occasion de la sortie du dernier tome de la série Long John Silver : Guyanacapac, les éditions Dargaud ont organisé un petit déjeuner avec les deux auteurs. Nous en avons justement profité pour leur poser quelques questions :)

Le Tome 4 s’est fait attendre, quels ont été les maitres mots pour conclure cette histoire ?

X.Dorison :

Ecrire ça prend du temps. On n’a pas fait une histoire pour “écrire une histoire”. On fait cette histoire pour mettre sur les pages quelque chose qui nous tient à coeur tous les deux. Et là, ça devient beaucoup plus compliqué parce vous écrivez une histoire pour avoir un propos spécifique. C’est pour cette raison que ça a été beaucoup plus long de conclure.

M. Lauffray :

L’idée c’était de faire un récit d’aventure pirate fantasmagorique baroque extrême. Donner un ton nouveau sur quelque chose de tellement vu, mais en même temps tellement spécifique, c’était pas évident. On peut dire que l’on a mis du temps à trouver le ton juste qui permettait de raconter tout ça : Faire passer un fantasme de navire dans un fantasme d’Amérique du sud vers un fantasme de cité perdue ,qui ne soit pas une étude doc’ de la réalité, mais une sorte de vision. Voir plus spécifiquement l’expression émotionnelle des personnes qui vivent l’histoire… Il nous a fallut beaucoup de dosage pour parvenir au bon équilibre et beaucoup de temps passé en réécriture.

Ce chapitre conclu l’aventure Long John Silver, quels sont les enjeux pour nos héros ?

X.Dorison:

Avec ce tome, on a enfin une vision globale des 4 motivations principales des protagonistes de l’aventure.

L’or, c’est évidemment la motivation la plus commune. La gloire pour Long John Silver, la descendance pour Viviane et une quatrième motivation, commune à tous, qui est de l’ordre métaphysique. Comment se transcender ? Comment aller au delà de ce monde? Comment avoir des idées qui dépassent le matériel ? Le tout étant synthétisé dans le tome 4 par cette cité de Guyanacapac.

M.Lauffray :

Le tome 4, c’est la résolution. Comment chacun se détermine en tant qu’individu. On prend un certain nombre de personnalités, qui hors du contexte sont juste des gens qui font leur vie (à l’exception peut être de Long John Silver) et on les catapulte dans un univers qui n’est pas le leur, et forcement, tout ce qui faisait le confort du quotidien tombe en morceaux…

La quête de l’or initiale est bien loin derrière nous…

X.Dorison :

L’or est un mensonge. Les pirates ne veulent pas l’or. Si ils veulent un trésor c’est soit pour l’enterrer soit pour le dilapider à Veracruz, ou à Tortuga. La vérité sur les Pirates? Ils ne veulent surtout pas l’or. Pourquoi ? Parce qu’il représente quelque chose de très dangereux pour eux : l’embourgeoisement. C’était évident pour nous qu’en fait Long John ne voulait pas l’or pour s’acheter une nouvelle baraque ou pour le mettre dans un compte en Suisse : ce n’est pas du tout son objectif.

M.Lauffray :

Le trésor il veut prouver qu’il peut l’avoir, pas le posséder réellement. Il veut prouver qu’il peut le récupérer et triompher de tout pour pouvoir dire  » il est à moi ». C’est de la fierté pure. Long John est vraiment comme ça. Une de ses autres obsessions est qu’il veut se survivre à lui même, ce qui est plutôt rare pour un pirate. Il a des liens forts avec les enfants, il aimerait avoir un successeur ou un héritier. Ça plante à chaque fois mais ça reste une volonté chez lui.

Nous, on est parti du principe que Long John avait une fierté telle qu’il jouait les pirates parce que ça lui allait bien et que ça reste dans sa nature d’être un baroque anarchiste . Par contre ça l’emmerde énormément de disparaitre sans laisser de traces. C’est pour ça qu’il essai de garder des témoins. Il aime par dessus tout l’idée de pouvoir revendiquer la découverte du plus grand trésor de tout les temps. C’est sa réelle motivation.

Guyanacapac: titre de l’album et nom de la citée perdue dans laquelle vont errer les personnages. Quelle est votre mythologie autour de ce lieu?

X.Dorison :

Guyanacapac était présent dès le début de l’histoire. On savait que l’on voulait emmener les pirates vers l’or, vers cette citée perdue. C’est le but que se fixent les pirates, c’est l’objectif qu’ils veulent globalement atteindre. Xibalba, est la création de Mathieu pour donner une dimension Spirituelle à l’aventure. C’est l’objectif caché de Byron dont on découvre la cosmogonie dans cet album.

M.Lauffray :

Effectivement, on voulait apporter de la surprise dans le tome 4. Moi j’ai une tendance naturelle à vouloir emmener les récits vers ce qui dépasse globalement l’horizon conventionnel. Je me suis documenté sur les mythologies du coin et j’ai ajouté une dimension « Loft Craftienne » dans un mythe maya existant, ça a donné notre version de Xibalba.

Les pieds dans la boue, le sombre mystère des cités perdues, la force du surnaturel qui s’empare de l’histoire…

Peut on dire que c’est le tome dans lequel Mathieu s’est le plus projeté?

M.Lauffray : On est complètement interdépendant. C’est à dire que moi, je suis baroque et fantasmagorique. Mais à faire que ça, on ne fait pas une histoire. Et Xavier a également cet aspect là dans ce qu’il fait mais qui va s’exprimer différemment avec Christophe Bec , Alex Alice ou moi. Après, à ce moment du récit, on se doit de conclure. Entre moi qui part à fond et Xavier qui me dit “ola, il y a le lecteur”, ça donne le tome 4.

X.Dorison :

Quand vous écrivez même à deux, il y en a toujours un qui fait la locomotive, l’autre qui s’assure que le train avance bien. L’un aura une vision très claire de là où il veut aller, l’autre l’aide à la réaliser en quelque sorte. Sur ce projet de 4 albums, je pense que j’ai d’abord fait la locomotive mais il s’est opéré une bascule à la fin du tome 2 où le système s’est inversé. Comme nous voulions atteindre le même but, je me suis mis en retrait pour laisser place au travail de Mathieu.

En parlant dessin, Mathieu comment travailles tu ton dessin?

M.Lauffray :

Comment je fais ? Dans la bande dessiné, ce n’est pas un secret, mais le truc important c’est de savoir ménager la synthèse entre texte et image. Moi, mon boulot quand je fais une page, c’est d’essayer de me rappeler quelle est son objectif émotionnel. L’objectif informatif est textuel. On va le formuler le dialogue qui donnera le ton du propos. Mais ça ne fera pas la synthèse avec le reste. Moi j’ai une méthode très empirique. Autant dans le storyboard est assez précis dans ses jeux de plans : des grandes cases pour des décors, des petites cases pour des gros plans, des cases intermédiaires pour des plans moyens. Et là dessus je me tiens. Ce système stabilise le lecteur, et comme j’ai moi même un dessin très chaotique et instable qui peut nuire à une synthèse globale, c’est pas plus mal de cadrer tout ça.

Là où je compense c’est en ayant des intentions émotionnelles claires dans mes images. Ce qui fait la spécificité de mes dessins et de mes images c’est qu’elles sont liées à une spécificité émotionnelle. Elles ne décrivent jamais l’objectif mais l’humeur des personnages.

Comment je dessine comme ça ? Je fais appel à un océan d’information, qui est une bien sûr dans une mémoire mais que je considère comme inconsciente. Concrètement je fais errer mon crayon sur le papier (littéralement) et à un moment quelque chose dans mon esprit me dit “bon” ou “mauvais”. Le crayonné est une recherche permanente. Le vrai choix se fait lors de l’encrage.

Merci à eux pour avoir pris le temps de répondre à nos questions, et merci aux éditions Dargaud pour leur invitation !

Petite exclue ! Mathieu nous annoncé en “off” que le travail reprend sur la série Prophet. Une planche encrée visible sur son blog :)

Pour en savoir un peu plus sur le travail de M. Lauffray, on vous conseil son art book avec Axis Mundi paru cette année aux éditions CFSL.

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