Critique de Pest 1 : Le Défosseur
Spleen City est une petite ville en suspens au milieu de nulle part mise sous quarantaine depuis qu'un gigantesque fléau s'est abattu sur elle quelques années plus tôt provoquant une sorte de cataclysme. La nature s'est brusquement déchaînée, le climat a été chamboulé, la terre semblait s'ouvrir sous les pieds des habitants les laissant après coup presque morts car atteints d'un mal inconnu et incurable : leurs corps étaient recouverts de bubons et pourrissaient lentement dans une puanteur insoutenable. Les hautes instances nommèrent ce mal PEST. Les habitants malades furent donc parqués dans des sous-sols isolés du reste de la ville en attendant qu'un vaccin soit trouvé. Chose étrange cependant : les seuls personnes non contaminées font tous partie des quartiers riches de la ville…
On suit donc les aventures d'Abélard Tournemine qui est chargé chaque jour de vérifier la qualité des eaux empoisonnées de la ville jusqu'au jour où il découvre que les eaux ne sont pas du tout contaminées mais presque aussi limpides que de l'eau de source. La journée est chargée pour Abélard car il est poursuivi et condamné à mort pour sa trouvaille, recherche ses parents disparus depuis le cataclysme et se retrouve malgré lui dans le lit d'une bourgeoise plus rebelle et moins naïve que lui, Héloïse, car si elle lui ouvre avant tout les yeux sur le sexe en général (petit cours sur le préservatif excellent !), elle lui démontre aussi combien le mal PEST sert aux puissants à diriger la ville en faisant croire au Spleen City « d'en bas » qu'il n'y a pas de remède miracle.
Et c'est finalement cette ingénieuse Héloïse qui résume toute la portée de l'ouvrage. Lorsque Abélard lui fait remarquer que la maladie existe bel et bien et que ce fléau n'a jamais été un mensonge puisqu'il tue ses propres parents parqués comme des bêtes dans des sous-sols glauques, elle lui répond : « personne ne peut réfuter le drame qui vous frappe mais il y a d'un côté les faits et de l'autre l'utilisation qu'on en fait ». Belle métaphore de notre monde libéral actuel, de la manipulation des médias et du président Bush face au peuple américain, par exemple, utilisant le drame réel et terrible du 11 septembre comme un moyen de pression et de diabolisation systématique de l'étranger comme terroriste, un moyen de semer la paranoïa constante au coeur des foyers, d'inculquer la peur de l'autre, de véhiculer ce sentiment par tous les moyens possibles : en faisant croire que l'Irak est responsable pour cacher des intérêts pétroliers, de manipuler les pensées… Le gouvernement de Spleen City possède un vaccin mais en faisant croire à la population pauvre qu'il n'existe pas encore, il crée une dépendance du peuple envers les hommes de pouvoir qui l'utilisent pour manipuler les habitants affaiblis par la maladie. PEST City est une métaphore cynique de la vie en autarcie… suivez mon regard.
Posté par Miss Nelson en novembre 2004 sur "The Electric Grabuge" ici: http://web.me.com/miss.nelson/Grabuge/PEST.html