Au gré de nos découvertes BD, nous avons eu la chance de découvrir une bande dessinée recemment sortie : Le baiser de l'orchidée 1 : Apadana. Après de nombreux échanges avec le scénariste, Miceal O'Griafa, l'idée d'une interview a germé pour découvrir cet auteur au parcours peu habituel et aux nombreux pseudonymes mais aussi pour en savoir plus sur cette nouvelle bande dessinée.

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Bonjour Miceal, bienvenue sur BD Maniac, pourrais tu te présenter brièvement ?



Merci pour cet accueil. Voyons. Je suis né un 14 avril 1965, (jour anniversaire du naufrage du Titanic), d’un père Irlandais et d’une mère Chilienne. Ma mère était sur un vol NYC - Paris de la Panam quand elle a perdu les eaux, mais c’est à Paname que je suis finalement venu au monde. Ce fut un passage éclair, car j’ai passé mes 10 premières années dans les valises, au gré du parcours professionnel de mon père, Professeur de Littérature spécialiste de James Joyce et conférencier. J’ai habité, entre autres, New York, Miami, Montréal et Winnipeg, Manitoba, Canada, ce qui explique que j’ai d’abord eu une culture comics, Je connaissais aussi Astérix, Tintin et Lucky Luke, mais ce n’est que lorsque ma famille s’est enfin fixée à Paris pour mes 10 ans que j’ai découvert la bd franco-belge. Ce fut une révélation : Charlier et Giraud, Greg et Hermann, Franquin, quelle claque ! C’est là que j’ai su qu’il fallait que j’écrive, mais comme j’avais également découvert le polar et la Série Noire, je ne savais pas encore si ça serait de la bd… Je voulais aussi devenir Indiana Jones avant même que le premier film ne sorte ! J’ai fait des études d’histoire de l’art et d’archéologie, mais comme en hypokhâgne, j’ai eu un coup de foudre pour la femme de ma vie (27 ans que ça dure, respect, hein !) et qu’on a eu une fille dont je suis dingue, j’ai su assez vite que ce seraient mes héros qui vivraient ces aventures exotiques à ma place ! Comme il fallait manger, j’ai exercé mille métiers avant de passer le CAPES et de devenir prof d’anglais. J’exerce toujours, en BTS de Com, notamment, ce qui me permet de choisir mes projets sans être dans l’urgence comme certains de mes confrères. Voilà, en bref.

J’ai cru comprendre que tu as un parcours assez atypique dans le monde la BD, peux tu nous en dire un peu plus ?



Volontiers. C’est dans la presse bd que j’ai commencé en 2000 en faisant partie de la Rédaction du magazine devenu culte « Ekllipse », le premier à offrir une triple vitrine au comics US, à la BD franco-belge et au manga. Avec Aude Ettori et Fabrice Deraedt, on a fait vivre ce mag publié par Semic sur seulement 9 numéros, une époque de pure passion, où j’ai pu interviewer des auteurs fabuleux, tels Schuiten & Peeters, Munoz & Sampayo, le grand Will Eisner, (j’ai 3 h de bande non utilisée), ou Joe Quesada avant qu’il ne devienne Rédac Chef de Marvel. Le contact privilégié que j’ai pu avoir avec certains scénaristes comme Van Hamme, (dont l’interview destinée au # 10 n’est jamais sortie) ou Brian Michael Bendis (à l’époque encore un auteur indépendant), m’a donné envie de passer du côté obscur de la Force. J’ai commencé à écrire, tout en continuant un travail de journaliste pour Trame 9, un webzine des Editions Foolstrip. C’est en réalisant l’une de ces interviews que j’ai rencontré Frédéric Bertocchini, scénariste talentueux (Pascal Paoli chez DCL, Jim Morrison chez EP), homme de radio et Président du Festival de BD d’Ajaccio. L’entente a été telle entre le Corse et l’Irlandais qu’on a co-écrit un scénario ensemble, (Libera Me , un thriller politique dessiné par Michel Espinosa et colorisé par Pascal Nino, à paraître chez DCL) et qu’il m’a proposé de participer à l’organisation du Festival. Il se trouve que ma femme est Corse, et que j’ai la chance de passer pas mal de temps là bas, donc j’ai pu rajouter cette corde à mon arc. Enfin, le fait que je sois trilingue français – anglais - espagnol, m’a ouvert des portes différentes dans le monde de la bd : depuis le dernier Festival d’Angoulême, je suis devenu l’interprète officiel de Charlie « Walking Dead » Adlard pour les Editions Delcourt, et comme mon travail a plu, la FNAC et d’autres institutions font régulièrement appel à moi en tant qu’interprète et journaliste pour animer des débats publics avec des auteurs étrangers. Comme mon éditeur Emmanuel Proust a réussi le coup de maître de publier en vf les nouvelles séries de Stan Lee chez Boom Studios, j’ai eu la tout récemment chance d’interviewer Stan the Man en personne et de traduire les questions - réponses pour mes collègues de la presse, puis de passer de l’Anglais à l’Espagnol pour faire de même avec le dessinateur hispanophone de sa série « Soldier Zero », le talentueux Javier Pina. Un moment d’exception !








Dans la réalisation de la série “Le baiser de l’orchidée” tu travailles avec David Charrier mais ce n’est pas la première fois puisque vous travaillez tous les deux sur le webzine Trame 9 et vous avez déjà réalisé une bande dessinée ensemble auparavant. Comment vous êtes vous rencontrés ? Comment est né ce projet de bande dessinée ?



Ce sont Tarek et Ivan Gomez Montero, généreux auteurs du « Prophète de Tadmor » (Vents d’Ouest) et « Cyrill et les Ombres du Bois Cendré » (Soleil) qui nous ont présentés. On s’est tout de suite bien entendus et bien complétés aussi. Nous avons pu nous tester dans « Trame 9 » où nous tenions une chronique intitulée « Inside Man » où nous dressions un double portrait d’un auteur, portrait textuel sous forme d’interview et portrait dessiné sous forme de planche de bd, chaque case montrant un aspect de l’invité : oeil, main, etc. L’idée était de reproduire en journalisme le duo scénariste dessinateur. C’est du collector à présent Nous avions, chacun de notre côté, tenté des expériences avec d’autres scénaristes / dessinateurs qui n’avaient pas marché. Nous avons vraiment commencé notre parcours pro ensemble, accumulant les erreurs de débutants. Notre premier projet commun s’appelait « Nomadz Landz », une histoire démente où nos personnages traversaient des tableaux pour se retrouver dans un archipel de l’Ailleurs, où chaque île correspondait à l’univers d’un artiste, et à chaque passage les personnages fusionnaient avec l’univers. Par exemple, en entrant dans un tableau de Hopper, les persos et tous les décors étaient peints par David dans le style du peintre de « Nighthawks », puis on passait au monde de Mucha, et ainsi de suite, un boulot de malade ! Je crois qu’on a occasionné pas mal de migraines chez les éditeurs. Je suis un « pitcher » de projets plutôt dynamique et je me souviens d’un speed booking au Salon du Livre où on a vraiment fait des victimes ! Ce devait être notre « Thorgal », sauf qu’on était passés à une époque où les séries pensées en 12 tomes n’étaient tout simplement plus pensables. On avait quand même intéressé les Humanos mais, ils sortaient au même moment « Adam au Chromaland » dont le thème était très proche. Alors, on a mis ce projet sous le coude pour le jour où on aura, l’un et l’autre, progressé suffisamment pour un projet aussi ambitieux. Nous sommes donc repartis sur 2 projets, une trilogie western « Fang & Klaw », l’histoire de 2 desperados Américains escortant un archéologue Français dans le Chiapas où s’activait alors un certain Emiliano Zapata, et un polar qui s’intitulait à l’époque « Apadana » et qui a suscité l’intérêt du tout dernier éditeur que nous sommes aller démarcher à Angoulême, l’outsider qui n’était pas dans les bulles, un certain Emmanuel Proust… Il a aimé notre polar, mais nous a demandé de faire nos preuves avant, sur l’adaptation d’un roman d’Agatha Christie, ce que nous avons accepté. Ce fut un véritable exercice de style de transposer en 44 planches de bd un roman de 230 pages. En plus, comme Hercule Poirot y mène une enquête rétrospective sur un crime commis 16 ans plus tôt, la moitié du livre est écrit sous forme épistolaire (récits de témoins de l’époque), ce qui nous a obligés à trouver une solution graphique et narrative pour gérer les multiples flashbacks. On a beaucoup appris en s’y livrant (et je vais d’ailleurs en adapter un autre avec, cette fois, Michel Espinosa au dessin), mais j’avoue qu’on a été heureux, David et moi, de pouvoir enfin attaquer ce qui est devenu le Baiser de l’Orchidée !








A la lecture de l’album, j’ai été agréablement surpris par l’ambiance qui s’en dégage tant par le dessin que par le travail sur la psychologie des personnages. On se sent véritablement dans l’univers du polar gorgé de mystère. Et justement, pourquoi avoir choisi le polar ?



Ca fait plaisir, merci. Le polar et moi, c’est une passion absolue. Voici un aperçu de ma bibliothèque de psychopathe qui permettra peut-être de répondre à ta question ! J’ai été très tôt nourri aux films noirs, « Laura », « Gilda », les films de Bogart, mais je lisais peu de pulps. A cette époque je dévorais justement les « whodunits » d’Agatha Christie et les « Sherlock Holmes ». Très curieusement, c’est en France que mes goûts littéraires ont finalement rejoint mes goûts cinématographiques, lorsque chez un ami, je suis tombé en arrêt devant une bibliothèque contenant l’intégralité des cartonnés de la « Série Noire » chez Gallimard. A l’époque, il n’y avait pas aux Etats-Unis de véritable équivalent. Et puis ce titre de collection trouvé par Jacques Prévert quand même, cettemaquette fabuleuse, ces traductions super libres, en faisaient des objets magiques ! Je voulais un jour me retrouver dans cette bibliothèque !


En grandissant, ça n’a fait qu’empirer. Au cinéma, tout en restant très éclectique, je suis passé à des polars plus hardcore, allant du « Element of Crime » de Lars von Trier au « Pulp Fiction » de Tarantino, en passant par Scorcese, John Woo période HK + « Volte Face », Guy Ritchie, Christopher Nolan, Walter Hill, Jonnie To, les polars REALISÉS par Besson, Florent-Emilio Siri, Olivier Marchal ou Inarritu, sans oublier lessuperbes séries « The Shield » et « Dexter ». En littérature y a eu les couvertures délavées de la collection « Rivages Noir » de François Guérif, que j’achetais même si je lisais toujours le roman en v.o. : j’ai ce côté collectionneur qui fait que je repousse les murs actuellement


Quelles sont tes influences en matière de bandes dessinées et polars ? Et si tu en as, quelles sont celles qui t’ont le plus inspirées pour cette série ?



Ca pour en avoir, j’en ai. En bd polar, les Américains ont sorti de véritables bijoux, comme les oeuvres indépendantes de B.M. Bendis


(Jinx, Goldfish, Torso) plus son « Powers » avec Mike Avon Oeming. Il y a les plus récents « 100 Bullets » d’Azzarello et Risso, tout ce qu’ont fait Ed Brubaker et Sean Phillips, le « Scalped » d’Aaron et Guerra, et les « Whiteout » de Rucka et Lieber. Et puis, il y a le maître Frank Miller et sa saga de « Sin City ». En manga, un nom domine, celui d’Urasawa dont le « Monster » est une pure master class du scénario. J’ai failli cesser d’écrire après l’avoir lu ! Et sur le plan graphique comme scénaristique, il y a le « Sanctuary « de


Sho Fumimura et de Ryochi Ikegami. En franco belge, outre les séries « Berceuse Assassine », « le Tueur » et «Miss » que j’adore, je dois dire que chaque nouveau tome de « Blacksad » me ravit, et pas juste pour le brio de l’ami Juanjo, mais aussi les scénars de Juan Diaz Canales qui sont, hélas, souvent occultés par la virtuosité de son partenaire En matière de purs polars, enfin, je suis admiratif du travail de Michael Connelly et Dennis Lehane, mais ça n’a rien de très original. Idem pour mes deux maîtres disparus, Donald E.Westlake aka Richard Stark, notamment pour les Parker et les Dortmunder, et Robert B. Parker, roi incontesté du dialogue, qui avec Spenser, a crée le privé ultime. J’aime aussi des auteurs moins connus comme Tom Piccirilli, Barry Eisler, G.M. Ford. Et puis il y a James Ellroy, surtout la trilogie « Lloyd Hopkins » où, à mon avis, il n’a jamais été aussi bon. Beaucoup de lecteurs nous disent penser que son quatuor de Los Angeles a été une influence sur « Le Baiser », mais en fait, c’est vrai seulement par le biais de l’adaptation cinématographique par Curtis Hanson de « L.A Confidential », pour moi l’une des rares excellentes transpositions d’un roman à l’écran. C’est LA source d’inspiration, et d’ailleurs quand on regarde l’art du jeu vidéo très réussi « L.A. Noire » de Rockstar Games, on voit qu’on n’a pas été les seuls à s’en inspirer ! La principale influence littéraire de notre bd a plutôt été James Hadley Chase, ce que les aficionados du polar devinent rien qu’en voyant « l’Orchidée » dans le titre. Son « 12 Balles dans la Peau » (« I’ll get you for this » en v.o.) a été ma première lecture en Série Noire. Je l’ai dévoré en une nuit. Notre ville de Mirage ressemble étrangement à celles qu’inventait Chase, dissimulant derrière une rutilante façade les pires cloaques. Le fait qu’il ait écrit « Pas d’Orchidées pour Miss Blandish » à l’aide d’un dictionnaire d’argot, sans avoir mis les pieds aux Etats Unis, est un indice que je livre aux lecteurs de BD Maniac. S’il a vu juste en créant un univers de toutes pièces, comment pouvait-on jouer avec les stéréotypes qu’il avait mis en place ? Ce fut l’une des questions du départ de notre diptyque qui, soit dit en passant, a été initialement écrit comme une trilogie, avant que des réalités socio-économiques nous obligent à en réduire le format. Outre les oeuvres citées plus haut, sur le plan graphique, en ce qui me concerne, mon influence majeure fut le strip des années 60 « Modesty Blaise » créé par Peter O’Donnell et Jim Holdaway, dont je suis un immense fan. Le strip est une école de l’économie de moyens et de l’épuration qui m’a beaucoup servi pour un scénar dans lequel tout le monde s’accorde à dire que j’ai mis beaucoup (voire trop) d’éléments. Enfin, il y a toujours le mètre étalon, LA bd à laquelle on se mesure sans jamais oser l’égaler, et pour moi comme pour David, ce fut la série « Jazz Maynard » chez Dargaud, une fusion parfaite d’un scénario brillant et d’un dessin hallucinant, au service d’une histoire noire. Inutile de dire que lorsque ses deux auteurs, Raule et Roger, nous ont fait lecadeau de la préface de notre Tome 1, ce fut le bonheur absolu, couplé à une sacrée pression pour être à la hauteur de leur confiance.




Pourquoi ce choix de placer le scénario dans la Floride des années 50 ?



La Floride, j’y ai vécu étant jeune. J’y suis retourné ado (j’ai conservé un T-shirt « Lost & Found on Longboat Key » qui atteste des frasques de cette période), en pleine époque des costumes de Don Johnson dans « Miami Vice ». Et j’y suis revenu adulte. C’est un endroit magique, hors du temps. A chaque fois que j’en reviens, je finis par donner les fringues achetées là-bas, car elles s’avèrent toujours importables ailleurs ! C’est, pour moi, le lieu archétypal des secrets qui fermentent derrière les grilles dorées des palais ou des villas de luxe. James Hadley Chase le savait et s’en est particulièrement bien servi pour les décors de ses meilleurs romans.


La Floride des années 50, c’est l’ultime paradis perdu des Américains, et notamment des résidents de Miami, la ville qui a servi de modèle à notre Mirage City, la nostalgie d’un temps de l’opulence du rêve Américain de la prospérité et de la post Prohibition, l’époque ou les clubs de Jazz du quartier Art Déco étaient encore pleins à craquer alors que la déferlante du rock allait s’abattre sur eux. On voulait aussi une époque où l’analyse ADN ne permettait pas encore de résoudre certains crimes, où les Experts ne dominaient pas la scène, et la « forensic science » en était à ses débuts. Pour notre nabab Cyrus W. Ceram, on voulait une demeure à la Xanadu de « Cititzen Kane », mais le palais de Saint Simeon en Californie avait été par trop utilisé. L’inspiration du Palais d’Apadana m’est venue de ces incroyables demeures « Mediterranean Revival » de Floride qu’Umberto Eco dans « La Guerre du Faux » appelle fort justement « les Forteresses de la Solitude ». Nous nous sommes donc servis du Cà d’Zan, le Palais néo vénitien inspiré par le Danieli construit à Sarasota, et du Palais de Vizcaya, du côté de Miami. Et pour revenir à la question des influences littéraires, je m’aperçois que je n’ai pas cité la plus importante, puisqu’elle joue un rôle primordial dans notre bd, c’est « le Bateau Ivre » de Rimbaud. Dès que j’ai lu ce poème, que j’ai eu à étudier de près en khâgne, j’ai adoré à quel point il était macabre. Des visions de noyées remontant lentement des abysses défilaient inlassablement devant mes yeux. Et j’ai immédiatementvisualisé les Everglades, des serpents d’eau et des alligators dans un marigot. Très poétique, le gars ! Plus que le « sea, sex & sun », ma Floride c’est l’eau, notamment celle venue du ciel. J’ai voulu montrer la Floride où j’ai vécu, celle où il pleuvait beaucoup, celle des ouragans. Or notre ouragan « Cassandra » joue un rôle important dans notre bd. Et même si le drame de Katrina et le passionnant reportage que Spike Lee a réalisé après ont fortement inspiré le « Baiser », c’est la Floride qui s’est imposée comme décor.




Une simple question après avoir lu ce premier épisode : à quand la sortie du deuxième volet ?



Heu… Dans 5 ans, ça irait ? Non, blague à part, j’ai pris beaucoup de retard dans l’écriture du scénario. Je le livre cette semaine, c’est dire ! Il faut dire pour ma défense que mon métier de prof me monopolise pas mal et que j’ai aussi eu la chance de signer d’autres projets entre temps chez divers éditeurs. Cela dit, j’ai beaucoup de progrès à faire à ce niveau et j’admire le travail de scénaristes accomplis comme Franck Giroud, Corbeyran ou le camarade Arleston qui arrivent à gérer plusieurs séries à la fois sans jamais laisser leurs dessinateurs en plan. Sur ça, comme sur tout le reste d’ailleurs, j’ai encore beaucoup à apprendre.




En guise de conclusion, que penses tu de la BD numérique et plus globalement de l’avenir de la BD ?



Aha, alors que vient de se produire la titanesque fusion Delcourt-Soleil, je ne peux qu’espérer que la bd ait encore de beaux jours devant elle et que la situation des auteurs ne souffre pas trop de la partie commerciale de notre métier qui prend de plus en plus de poids aujourd’hui ! La BD numérique, qui peut offrir plus de liberté aux auteurs, est une voie fabuleuse qui n’éliminera jamais la livre papier, pas plus que la télévision n’a sonné le glas de la radio, comme cela avait été annoncé. Par contre, ça implique, selon moi, d’être créatif sur le plan scénaristique : plutôt que tenter d’adapter une bd parue en print à l’outil numérique, il faut au contraire opter pour une narration tenant compte du format écrit, un équivalent numérique du format dit « à l’italienne », horizontal plutôt que vertical, celui des écrans d’ordinateur et, dans une certaine mesure, des tablettes graphiques. L’apparition de l’iPad et de ses imitations et en train de révolutionner notre manière d’écrire et de lire des histoires… Le numérique, j’y crois à fond, c’est pourquoi, j’ai tenu à scénariser et ,animer au Formula Bula de St Ouen un « Paint Chat Monster » avec pas moins de 8 dessinateurs différents répartis en 4 équipes, (Marlène Alotoftralala & Manu XYZ, Slo & Tim, Piak & Toki, et enfin Wayne et super Mike Rouault), oeuvrant sur ordi pour remplir les planches projetées en live à un public ultra réactif ! Ce type d’expérimentation organisée par mon ancien rédac chef de Trame 9, Eric Vidal, c’est tout ce que j’aime ! Ce type de rencontre interactive démontre qu’un scénariste labellisé « mainstream » peut travailler avec des bloggeurs « indés », et fournir un travail de qualité, (même si ma part reste très perfectible) Une fois qu’on aura résolus les problèmes de droits du numérique, il se trouve qu’il y a en France des acteurs très pertinents, aptes à amener la bande dessinée numérique à son plus haut niveau. Je pense à Vincent Demons et Anthony Maréchal des Editions Foolstrip et Yannick Chemin, organisateur du Festiblog et, accessoirement « Mr Delcourt numérique ». L’éclosion de nouveaux auteurs par le biais de ces nouveaux supports ne doit pas faire peur à nous autres auteurs dits « pros », car loin de toute confrontation, l’émulation entre les scénaristes et dessinateurs de la bd papier et ceux de la génération Internet ne peut que nous faire lever la barre plus haut. Je ne pense pas non plus que la bd doive vivre dans un splendide solement, mais au contraire, gagnerait à emprunter les multiples passerelles qui relient le 9ème Art aux autres. Il se trouve, par exemple, que je suis proche d’artistes du graffiti, tels Lazoo et le Mac Crew, qui organisent en ce moment le « Kosmo Art Tour », un événement de portée internationale, de Paris à Sao Paulo et de Bagnolet à Djakarta. Leur travail tout aussi graphique que le nôtre est fait pour le rencontrer. C’est d’ailleurs ce que permet le magazine « Paris Tonkar » de mon ami et confrère scénariste Tarek, pour lequel je vais scénariser une bd sur le graffiti art et la photo, encore un projet génial ! Pour tous les lecteurs de « BD Maniac » qui aspirent à faire de la bd, je suis l’exemple même qui montre que n’importe qui peut y arriver, avec un culot monstre, 10% de talent plus 90% d’obstination, et la capacité de savoir saisir les opportunités, et tout particulièrement les rencontres qui ne sont jamais un hasard. Et puis, il y a le facteur chance qui nous enseigne l’humilité. C’est vrai que je suis un garçon verni. J’ai une famille géniale, plusieurs boulots plus passionnants les uns que les autres, je travaille avec des dessinateurs et coloristes merveilleux avec leurs défauts et leur qualités (je salue au passage toute la bande des « Furax » et mes amis espagnols des « Comidas Frikis »), j’ai deslecteurs indulgents qui nous suivent depuis le début (dédicace spéciale à Adrien Blanche) et maintenant, je suis dans « BD Maniac » ! Franchement que demande le scénariste ?!






Merci à Miceal O'Griafa pour cette riche interview !