Critique de
Julius Corentin Acquefacques 6 : Le décalage
On est dépaysé dès la couverture, qui nous plonge sans crier gare à la planche 6 du récit. C’est bien simple, on n’y comprend rien! Sinon que le titre ne nous mentait pas: l’histoire est décalée, le héros a manqué son entrée et les personnages secondaires sont complètement désemparés par son absence. S’ensuivent de savoureux et absurdes dialogues sur la notion même de scénario, la condition de héros, la pertinence du contenu ou même l’importance du rien. Un régal pour l’amoureux du langage vrai. Pas facile à suivre et pourtant absolument génial!
Chaque nouvel album de Julius Corentin Acquefaques, prisonnier des rêves, est un véritable événement. Du genre qui vous fait vous trémousser de joie, abandonner toute dignité, sautiller dans tous les sens et baver d’impatience jusqu’au moment où vous pourrez vous installer confortablement pour le lire.
Ici, point de jolies jeunes filles pas frileuses, de courses-poursuites, d’explosions où d’enquêtes haletantes. Non. Avec Marc-Antoine Mathieu, c’est plutôt cérébral comme divertissement. Le monsieur s’est fait une spécialité de jouer avec les codes de la BD, en particulier les caractéristiques physiques de l’objet. Il malmène son héros, malheureux habitant d’un monde grisâtre peuplé de fonctionnaires, dans un univers absurde que n’aurait pas renié Kafka.
Des rapports temporels entre les pages à l’absence de relief en passant par une réflexion sur la couleur, le bougre nous a déjà offert quelques-uns des meilleurs moments de lecture de ces vingt dernières années. La série est tout simplement incontournable!
[Critique publiée sur http://parlonsbd.com]