3

Un jour, un manuscrit est arrivé chez Cornélius. 150 pages d'une course poursuite amalgamant flics américains, dieux Hindous et anges yuppies sur fond de Tokyo carton-pâte... Ce faux manga qui ne ressemblait à rien était l’œuvre d'un parfait inconnu, qui s'était mis en tête d'apprendre à faire de la bande-dessinée comme d'autres se mettent aux arts martiaux... Et de fait, 3 véhicules cette énergie propre aux films de kung-fu, où l'intrigue est moins importante que la beauté du geste. Ignorant tout du Lapinot de Lewis Trondheim et des expériences portées par la petite édition, Hugues Micol s'était levé un matin en cherchant un défi pour occuper son crayon. Et il se mit à improviser directement au stylo et pour son seul plaisir ce qui promet de rester comme l'un des plus stupéfiants apprentissages qu'aie connu la bande dessinée. 150 pages d'un combat sans fin et sans enjeu, où les armes et les corps s'opposent jusqu'à l'absurde avec une frénésie sur jouée et vidée de toute violence réelle. L'argument narratif, comme dans un ballet, est vite relégué au second plan pour se concentrer sur l'objet même de l'entreprise: montrer le corps en mouvement, le rendre élastique et inventer les figures qu'aucun être de chair ne pourrait accomplir. Le résultat est à l'image du sentiment d'euphorie et de liberté qui ont présidé à la création de cette chorégraphie impossible: excitant, chaotique et foisonnant. Ce livre difforme et magnifique offre l'occasion unique de voir un auteur se construire, à coups de maladresses assumées et de fulgurances visionnaires, hors des normes et des critiques. Hugues Micol, qui a par ailleurs signé depuis (en collaboration avec JL Capron) le très remarqué Chiquito La Muerte chez Delcourt, promet de devenir l'un des auteurs les plus surprenants de sa génération.