MYLYDY, dessinatrice de TEOTL, débute sa carrière dans la Bande dessinée aux Editions Ankama. Diplomé des Gobelins, elle partage sa passion à travers son blog: http://mylydyneo.blogspot.com/ avant de se lancer dans cette aventure! Développement visuel, Story Board… Mylydy est sur tous les fronts !
BD Maniac lui a posé quelques questions pour en savoir un peu plus sur elle et ses premiers pas dans le monde de la BD.

Quand tu es arrivée chez Ankama, était-ce pour monter un projet BD ou bien avais-tu d’autres buts ?

J’ai d’abord fait un stage à Ankama en character design il y a 4 ans, car j’étais très attirée par les différentes productions très modernes et qualitatives de cette boîte. Puis j’ai repris mes études de cinéma d’animation et y suis retournée 2 ans plus tard pour faire du story-board sur leur série WAKFU. J’ai proposé un premier projet BD que je faisais en parallèle, qui n’a pas abouti. Et puis Tot m’a proposé de faire de la BD avec lui au scénario, ce qui était bien entendu inespéré car c’est quelqu’un de très occupé. Ce qui l’était encore plus, c’est qu’il soit intéressé par mes trucs sentai chelous !

Tu viens de sortir ton premier album, Teotl, le 20 octobre dernier ; peux-tu nous le présenter ?

C’est perturbant pour les gens car c’est un hybride total entre de la BD franco-belge, du manga et des comics, ça ne rentre dans aucune case. C’est totalement le style Ankama quoi… Le métissage, c’est bien^^’

Pour l’histoire, dans le fond, il s’agit en gros de la nature qui se rebelle contre les hommes. Des dieux à l’allure mythologique old school apparaissent à de jeunes merdeux insouciants pour leur donner la responsabilité de pouvoirs pour défendre l’humanité.

On y a glissé beaucoup d’humour débile et d’action, mais ça va s’étoffer au fil des tomes car ce n’est pas une BD pour collégiens non plus. Le but, c’est de faire une histoire qui nous plaît à nous, adultes fans de comics, mangas, BD franco-belge, films, séries américaines et britanniques, etc. Cela implique d’approfondir au mieux chaque personnage, de les faire vivre et réagir de manière juste, de poser de véritables problématiques derrière tout ce bombardement d’action (qui fait plaisir en soi bien sûr).

Cet album a en trame de fond une revisite des sentaï, ces super-héros japonais à la manière des Bioman, adaptés à la sauce française. Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire renaitre ces héros oubliés ? (France Five)

Contrairement aux auteurs de France Five, série formidable au demeurant, je ne suis pas une psychopathe des sentai ( :p ). Ça m’a marqué étant petite et j’adore deux séries en particulier (Jetman et Liveman). Mais tout comme Tot, je ne suis pas super carrée niveau codes du feuilleton sentai (mise en scène, robots qui s’emboîtent, couleurs appropriées, etc.).

Je crois que ça m’a pris un beau jour en cours dans mon école d’animation, par besoin de me défouler en dessinant des trucs à la con. Les sentai, c’est très second degré, c’est funky, c’est coloré, bref, y’a rien de mieux pour s’amuser. Jamais au grand jamais je ne me disais que c’était publiable. De manière générale, j’aime aller vers les univers inexplorés, décalés.

Quelques dessins “sympas en soi” ont atterri dans mon book et Tot est tombé dessus, c’est tout. De toute façon, le sentai est une base de travail, on se l’est approprié pour en faire quelque chose qui nous plaît à nous adultes d’aujourd’hui (pardon à tous les fans hardcore de sentai pour ce blasphème !).

Pourquoi ne pas avoir choisi de placer l’action dans un monde totalement japonais dont les sentai sont issus, plutôt que d’être à mi-chemin entre les deux continents ?

Pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, simplement parce que je déteste le plagiat. Et parce qu’on ne peut partir de rien pour créer quelque chose. C’est strictement impossible. La solution reste donc de mélanger deux choses connues. Le mélange qui en découle devient instantanément exclusif (mélangez un meka et un truc maya, vous verrez…)

Dans les jeux Final Fantasy ou tous les RPG japonais en général, ils ont une technique de ouf pour créer des univers : ils font des medleys de tas de cultures différentes ; peu importe s’ils en inversent le sens, ils sont décomplexés et ils ont bien raison.

Et puis tout simplement parce que Tokyo, la ville la plus intéressante à dessiner du monde, est tellement déjà vue et revue… Et Morimoto ou Otomo ou n’importe quels mangakas japonais dessinent mille fois mieux que moi cette ville. Je ne suis pas japonaise, et je ne cherche pas à le faire croire, donc autant faire autre chose.

Comment s’est passée ta collaboration avec Tot ? Dans ton livre, tu expliques que tu avais déjà une trame, que t’a-t-il apporté ?

Tot m’a demandé de développer à fond mon projet pour qu’il puisse le reprendre avec de bonnes bases. Je suis partie notamment de la relation conflictuelle sous-jacente entre Kurbin et Tabasco. Ils sont amis, mais Kurbin a tendance à se laisser dominer par son pote.

Car ce qui compte dans une histoire, ce n’est pas l’univers créé, mais les relations entre les personnages, l’évolution de leur mentalité. De toute façon, j’étais bien incapable de développer le reste (à part graphiquement) ^^’.

C’est alors que Tot a amené le fond qui manquait à cet univers décalé, et a ajouté de nouveaux protagonistes, de nouvelles problématiques entre les personnages… Enfin bref, c’est un vrai grand scénariste et j’en avais bien besoin !

On a travaillé par mail tout le temps ; il écrivait quelques pages de script, je les dessinais et rebelote. Les choses ont coulé de source, parce que Tot m’a fait confiance, c’est quelqu’un de pas chiant du tout pour bosser (ce qui est très rare), et rien ne peut plus me motiver que ça. ^^

Cette histoire a-t-elle déjà un nombre de volumes défini ou bien vous laissez-vous une large marge de manœuvre ?

No limits, si les ventes suivent et si ça nous amuse toujours. Moi j’aime la BD feuilletonnante, je pense que Tot également. C’est pour cela que j’essaie d’aller le plus vite possible (une page par jour), pour accrocher le lecteur. J’adore les mangas pour leur narration surdéveloppée, pareil pour les séries télé américaines ou britanniques.

Es-tu toi-même une lectrice de BD, et si oui, quels sont tes coups de cœur du moment que tu voudrais conseiller à nos lecteurs ?

Je conseillerais la prochaine BD de Michael Sanlaville qui sortira début 2012. C’est un futur très grand de la BD. C’est en tout cas le meilleur dessinateur que je connaisse.

Sinon je ne lis pas de BD actuelles, ou très peu. Les éditeurs essayent de nous refourguer mille fois trop de productions médiocres, et du coup impossible de localiser ce qui est sympa dans le tas, donc j’ai laissé tomber, comme beaucoup de gens. Nous vivons dans une époque où il est devenu normal de vendre n’importe quoi aux gens sur le court terme, quitte à les arnaquer, plutôt que de les fidéliser.
Nous sommes cependant à un moment charnière entre les BD old school et la génération d’auteurs BD métissés culturels. Ce qui va en ressortir dans le futur me rabibochera sûrement avec ce medium.
J’aime beaucoup Gipi en revanche, je pense que c’est un très grand auteur de BD, le meilleur que j’ai lu en 10 ans du moins. Il a une approche cinématographique de la BD ; or je pense que c’est la clé pour bien raconter une histoire. Ce qui compte avant tout en BD, ce n’est pas le dessin, c’est la narration.
J’aime beaucoup les albums de Larcenet aussi, il a l’air trop sympa en plus dans ses interviews :)
Du reste j’ai lu des milliers de vieilles BD. J’ai appris à lire avec Gotlib, Franquin, Peyo, Morris, et je les vénère et les relis avec toujours autant de plaisir. J’ai lu Akira, Ranma et Dragon Ball à 8 ans et ce sont des références ultimes pour moi, toujours aujourd’hui. Ranma est méconnu aujourd’hui alors que l’anime autant que le manga sont absolument géniaux. Je conseille vraiment aux jeunes de le redécouvrir, car personnellement c’est ma base absolue pour faire des gags en BD (avec Docteur Slump, il est vrai…)

Merci à toi MYLYDY d’avoir répondu à nos questions. Toute l’équipe te souhaite bon courage pour la suite de cette aventure :)